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par Etienne BLYELLE

♦ Article paru dans le n° 70 de la Revue Musiques Mécaniques Vivantes de l’AAIMM ♦

Bien que connues des collectionneurs, beaucoup d’Européens ignorent l’existence de ces curieuses boîtes à musique « à rouleau conique » en tôle emboutie. A l’époque, importer une boîte à musique d’Amérique en Suisse, cela eut été apporter de la glace au pôle Nord !

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PETIT MODELE CAPITAL « A » A 36 LAMES

A l’arrêt normal & Porte cône relevé

La boîte laisse juste la place pour ranger un cinquième cylindre.

Dessous de la platine : Léger renfort du cadre. A droite : ouverture pour le cliquet. La grande tige oblique relie la détente au verrou de l’arbre du porte-cône. La petite tige vient intercepter le régulateur dès qu’on relève le porte-cône.

=> Voir la vidéo de la boîte à musique CAPITAL CUFF

BIBLIOGRAPHIE ET HISTOIRE

Inconnu de l’ouvrage de Chapuis Histoire de la boîte à musique et de la musique mécanique, ainsi que, à ma connaissance, des autres ouvrages en français, lesquels sont consacrés aux industries locales de Suisse ou de France, il est temps de réparer cette lacune [1]

La plupart des ouvrages en anglais vont d’un aperçu à une description des différents modèles. Ainsi, l’Encyclopédie Bowers y consacre neuf pages : ce qui est appelé « style » signifie « modèle », allant de O à G qui en fait ne comportent que 3 formats de cônes connus, le modèle O n’ayant pas encore été trouvé dans les nombreuses collections que j’ai visitées, tant en Europe qu’aux USA, où .je suis allé six fois depuis 1974…

La maison F-G Otto & Sons fut fondée en 1873 à Jersey (vers New York), produisant des instruments de chirurgie et des piles électriques. En 1892 s’installait dans son voisinage le fabricant des célèbres musiques à disque Regina , ainsi pour la concurrencer, sans s’engager dans les fines fabrications des boîtes à cylindre, Otto ou plutôt son technicien Henry Langfelder, eut l’idée du tronc de cône en tôle emboutie, qui avait l’atout de la nouveauté qui lui valut le brevet d’invention n° 519 816 le 15 mai 1894.

Bien sûr, comme pour le disque, les roues-étoiles sont nécessaires à assurer la précision de la levée des lames sonores, c’est pourquoi on est surpris de voir le cône tourner en sens contraire du cylindre d’une boîte classique.

Commençons par les modèles A et B que nous avons : le petit au CABAM, le moyen au Musée Corbin. Modèles de type coaxial.

BOITES

Boîtes soignées en acajou ; à sa moulure de base, la petite mesure 38 x 29, hauteur : 18 cm. La grande 53 x 36 x22. Les deux ont des pieds en demi-boule, serrure et charnières nickelées. Lithographie d’un paysage dans le couvercle.

Remontage par manivelle, à tourner à contresens. Commande marche arrêt émergeant d’une plaque fixée à la platine et cachant l’encliquetage. Régulateur de vitesse à ailettes pivotantes et frein commandé par une vis à bouton moleté placé sur la potence.

L’échange de cône se fait en relevant à la verticale le porte-cône dont l’arbre est articulé. Une baïonnette assure le maintien du cône sur son support. La boîte comporte un espace où on peut placer 6 cônes emboîtés ou 5 verticaux [2].

Les cônes sont en tôle de 0,35 mm avec, imprimée or sur fond outremer, la marque de fabrique. Une aigle en gloire sur une boule bardée de l’inscription CAPITAL PATENTED . Vers le bord du grand diamètre est collée une étroite bande donnant le nom de l’air et son numéro de catalogue.

La commande de mise en marche produit le verrouillage de l’arbre du porte-cône, verrouillage qui se dégage dès l’arrêt automatique. D’autre part, une détente vient interdire la rotation dès qu’on soulève le porte-cône. Ainsi la manipulation est facile et exclut tout effet de maladresse, ce qui n’est pas le cas de la plupart des systèmes à cylindre de rechange.

ASPECT TECHNIQUE

La fabrication des cônes

Passer de l’idée à la réalisation, industrielle surtout, a pris quelques mois, le processus et l’outillage ont été soigneusement étudiés : je conjecture que la fabrication se faisait dans l’ordre suivant :

  1. Impression de la marque et son fond bleu [3].
  2. Découpe d’un arc de couronne dans la tôle.
  3. Emboutissage des picots.
  4. Roulage de mise en forme.
  5. Ourlage de jointure le long de la génératrice.
  6. Bordage qui donne la rigidité et évite de blesser l’usager.
  7. Encochage de la baïonnette [4].
  8. Collage de l’étiquette.

On ne sait pas si l’emboutissage des picots se faisait un à un par une machine dont le programme pouvait être un jeu de cylindres ou de disques, un par air à réaliser, ou plus probablement fait d’un seul coup de presse, laquelle portait d’une part les poinçons groupés et d’autre part la matrice.

Cônes vus de près [5]

Sur le pli de jointure, on voit une bosse, elle empêche le glissement afin que les files de picots restent chacune sur son cercle, donc bien en face de la roue-étoile à actionner.

Remarquez qu’en ses deux extrémités, la tôle est soigneusement roulée afin de ne pas blesser les doigts de l’utilisateur. De plus, cette bordure rigidifie la pièce et la rend peu vulnérable si on la laisse tomber au sol.

Eléments identiques dans ces 2 modèles

Le porte-cône est fait de deux roues de fonte à 3 bras fixées sur un arbre et reliées par 3 tiges servant de guide selon les génératrices de ce cône.

L’encliquetage n’est pas bruyant car le cliquet n’est sollicité que par le poids de sa partie arrière. Dans ces premiers modèles, on a un barillet ordinaire, à ressort mince et long donnant tout juste la douzaine de tours de cône, ce qu’autorise l’arrêtage, à roue partielle ; encliquetage et arrêtage sont identiques dans le petit et moyen modèle, ainsi que la plaque de commande [6] (qui cache l’encliquetage), et le régulateur, à ailettes pivotantes et frein réglable.

Mécanisme vu de droite, la plaque de commande a été ôtée; elle se fixe sur les deux piliers. Au premier plan, l’encliquetage sans ressort : le poids du bras gauche du cliquet suffit. Sur le barillet, l’arrêtage à roue partielle (dont la « dent pleine » est cachée par le pont). La force de rappel du levier de détente provient d’un ressort à boudin peu visible car sur la tige inférieure du verrou de l’arbre porte-cône.

DETAILS DE CONSTRUCTIONS

Sur ces vues, le modèle « B » ne diffère que par le diamètre du barillet, de la roue dentée et du porte-cône.

 

Au premier plan, bout du clavier, des roues-étoiles et du porte-cône.

Au second plan, tige arrêtant le volant si on remettait en position  » marche » pendant le changement de cône.

Derrière, le bloc-régulateur avec son volant à ailettes pivotantes liées par un fin ressort à boudin.

Sur la potence, le bouton qui serre (baisse) le frein.

COMPARAISON

Ce n’est pas la première fois que l’on constate que la vue simultanée de deux objets, semblables en apparence, ne diffèrent pas que par une simple échelle, mais que d’une part, ils ont certains points identiques, et d’autre part, ils diffèrent par leur structure.

DIMENSIONS

Mesures [7] Modèle A Modèle B
Clavier : lames 44 48
Long [8]. cm 9,5 12,7=6″
Durée d’un air, secondes 30 40
Cônes, petit et gd Ø, mm 65 ; 78 85 ; 104
Longueur de la génératrice 101 135
Gde roue, nb de dents 100 120
Diamètre 51 61
Barillet : Ø, larg. ext. 63 ; 42 76 ; 47
Ressort : largeur 37,6
Ressort épaisseur 0,45
Manivelle : rayon cm 8 11
Même alésage et même nille.
Platine : longueur, cm 33 46,5
Platine : largeur 14,5 18,5
Platine : même épaisseur : env. 1 cm.

STRUCTURES

Dans le petit format, l’arbre de barillet n’est tenu que par son pont de droite, qui est large et en fonte. Le barillet entraîne ce qui serait la roue de cylindre par une broche, cette roue étant fixée sur un arbre qui pivote, d’une part, dans un pont et, d’autre part, dans le bout de l’arbre de barillet. A son extrémité gauche, cet arbre porte l’articulation5 qui le lie à l’arbre du porte-cône.

Dans le modèle B, le barillet n’est pas « suspendu » mais pivote entre deux ponts.

Contrairement au modèle moyen, le petit ne semble avoir eu q’une seule exécution, la pièce du CABAM porte le numéro de série A 690. Celle du musée Corbin porte B 368.

Plaque de commande de A.. Celle de B a un brevet de plus : Dec. 17.1889.

Mécanismes vus en plan. « B » et « A », dont la plaque de commande a été ôtée

Notes

[1] Certes mon Dictionnaire technique et musical de la boîte à musique en fait mention sous Capital Cuff Box, mais n’y consacre que cinq lignes.

[2] Ces musiques sont parfois appelées « cuff box » par l’analogie entre ces cônes et une manchette empesée.

[3] Il se pourrait qu’une certaine « cuisson » durcisse le vernis, qui hélas n’adhère pas toujours et s’effrite.

[4] Ce n’est pas exclu que cela se fasse avec le découpage.

[5] En toute rigueur, on devrait dire « tronc de cône ».

[6] Porte une liste de brevets, dont celui du 9 avril 1889 (qui n’est pas dans le Mosoriak, Chicago 1943).

[7] Ici, valeurs sommaires. Il faudrait voir leurs valeurs en inches et ses fractions binaires.

[8] Les lames sont plus larges, donc plus puissantes.